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Pourquoi l’ennui est essentiel au développement de votre enfant

Un samedi après-midi, après avoir rangé ses jouets et terminé ses devoirs, votre enfant vous regarde d’un air blasé :— « Je m’ennuie… »


Il n’y a rien de particulier à ce moment. Pas de crise, pas de conflit.

Juste un enfant assis, qui ne sait pas quoi faire.

Et vous, comme beaucoup de parents, ressentez un petit pincement : une envie de proposer une activité, d’allumer un dessin animé, de trouver une solution rapide. Comme si l’ennui était une menace à éviter.


Pourtant, et c’est là tout le paradoxe, l’ennui n’est pas un problème. Au contraire, c’est un précieux espace de croissance. Dans nos sociétés où l’on valorise la performance, la vitesse, l’agenda rempli de cases colorées, laisser un enfant s’ennuyer ressemble à une faute de goût.


Et pourtant, toutes les recherches récentes convergent : les enfants ont besoin de temps vide, de ce creux qui n’est pas un manque mais une invitation.


Cet article va vous emmener dans cette réflexion : pourquoi l’ennui est vital pour vos enfants, comment il nourrit leur cerveau et leur cœur, en quoi les agendas surchargés peuvent les fragiliser, et surtout comment, dans votre quotidien, transformer ces « je m’ennuie » en opportunités.


Pourquoi l’ennui est essentiel au développement de votre enfant

Quand l’ennui fait peur aux parents


L’ennui est souvent mal compris. Il est associé à l’inaction, au désintérêt, à la paresse. Quand un enfant s’ennuie, certains parents y voient un échec : « Je devrais l’occuper », « Je ne fais pas assez ».


La société actuelle entretient cette peur.


Les activités extrascolaires sont devenues un signe d’investissement parental : un enfant qui a sport, musique, atelier créatif, scouts et cours de langue est un enfant « enrichi ». Mais enrichi de quoi ? Et à quel prix ?


De nombreux psychologues soulignent que le problème n’est pas l’activité en soi — au contraire, elles sont précieuses mais c’est l’absence de respiration entre ces activités qui pose problème.


Les enfants passent d’un cadre structuré à un autre, toujours guidés, toujours encadrés, jusqu’à perdre ce temps libre où ils pourraient… simplement être.


Et c’est précisément ce « simplement être » qui est essentiel.


L’ennui vu du côté du cerveau


Pour comprendre pourquoi l’ennui est si précieux, il faut faire un détour par le cerveau.

Quand un enfant est occupé par une tâche dirigée (un cours, un jeu vidéo, un entraînement), son attention est canalisée.


Mais quand il s’ennuie, son cerveau bascule dans ce que les chercheurs appellent le mode par défaut. C’est un état particulier où, libéré de la stimulation immédiate, l’esprit commence à vagabonder.


C’est dans ce mode que l’on fait des liens entre des idées, que l’on imagine des histoires, que l’on invente des solutions inédites.


Une étude menée par Mann et Cadman a montré que l’ennui pouvait même augmenter la créativité. Chez l’enfant, cela se traduit par des inventions de jeux, des scénarios improvisés, des constructions surprenantes.


Mais ce n’est pas tout. L’ennui joue aussi un rôle dans la régulation émotionnelle. Quand il n’y a pas d’activité pour détourner son attention, l’enfant se confronte à lui-même, à ses pensées, à ses émotions. Ce face-à-face n’est pas toujours confortable, mais il est essentiel pour apprendre à se connaître, à tolérer ses ressentis, à se calmer par ses propres moyens.


Enfin, l’ennui offre au cerveau un espace de repos. Or, le repos est indispensable pour consolider les apprentissages. C’est dans les moments de pause que les expériences vécues s’intègrent, que la mémoire se structure.


Les bienfaits cachés de l’ennui


Si l’on prend un peu de recul, on réalise que l’ennui offre trois cadeaux essentiels aux enfants.


D’abord, la créativité. Privé de consignes, l’enfant apprend à inventer. Il ne reçoit pas une idée, il la produit. Ce processus renforce sa confiance : il découvre qu’il peut créer à partir de peu, transformer une boîte en château, un drap en cape, une cuillère en baguette magique.


Ensuite, l’autonomie. Quand l’enfant ne dépend pas d’une activité proposée, il apprend à occuper son temps, à trouver des ressources en lui-même. C’est une compétence précieuse qui l’accompagnera toute sa vie : savoir quoi faire quand rien n’est prévu.


Enfin, la sérénité. Dans un monde saturé de stimulations, l’ennui agit comme un ralentisseur. Il permet de retrouver un rythme plus doux, de se poser, de respirer. Les enfants qui ont accès à ces moments de vide sont souvent plus équilibrés, moins anxieux, plus capables de gérer la frustration.


Quand l’agenda déborde : les risques d’une vie trop remplie


À l’inverse, un agenda trop chargé fragilise l’enfant.


Le premier risque, c’est le sommeil. Les pédiatres rappellent qu’un enfant entre 6 et 12 ans a besoin de 9 à 12 heures de sommeil par nuit. Or, les soirées remplies d’activités, de trajets, de devoirs, grignotent ce temps. Le manque de sommeil, on le sait, affecte l’attention, l’humeur, la mémoire, la croissance.


Le deuxième risque, c’est le stress. Passer d’une activité à l’autre, sans respiration, augmente la charge mentale. Les enfants deviennent irritables, fatigués, parfois démotivés.


Le troisième risque, plus subtil, c’est la perte du temps libre. Ce temps où l’enfant peut rêver, jouer, inventer. Ce temps qui semble inutile mais qui construit les fondations de son équilibre.


Transformer l’ennui en opportunité


Alors, que faire quand votre enfant dit : « Je m’ennuie » ?


La première chose est de changer de regard. Plutôt que d’y voir un problème, considérez-le comme une chance. L’ennui n’est pas une absence, c’est une présence différente.


La deuxième chose est de tenir l’espace. L’enfant a besoin de savoir que vous êtes là, disponible, mais qu’il peut chercher par lui-même. Évitez de combler tout de suite par une activité. Accueillez simplement : « Je comprends, ce n’est pas toujours agréable de s’ennuyer. Mais tu vas voir, ton imagination va t’aider. »


La troisième chose est de proposer des supports ouverts. Pas une activité dirigée, mais un environnement propice : quelques cartons, des crayons, des tissus, des Lego. De quoi nourrir son inventivité sans lui donner un mode d’emploi.


Des outils pour apprivoiser l’ennui

Vous pouvez aussi instaurer des petits rituels qui donnent une forme à ce temps libre.


Certains parents créent une boîte de l’ennui : une boîte remplie de cartes avec des amorces simples. « Construis un pont », « Invente une chanson », « Dessine une carte au trésor ». L’enfant tire une carte et se lance. Cela évite la panique de la page blanche, tout en laissant la liberté de transformer l’idée.


D’autres instaurent un coin créatif : un espace de la maison avec du matériel accessible en libre-service. Pas besoin de beaucoup : quelques feuilles, des crayons, du scotch, des objets recyclés. Ce coin devient un refuge pour l’imagination.


Vous pouvez aussi ritualiser des plages de temps libre. Par exemple, le mercredi après-midi et le samedi matin. Expliquez à votre enfant que ces moments sont aussi importants que le sport ou l’école. Progressivement, il comprendra que l’ennui fait partie de sa semaine, et il apprendra à l’habiter.


Trouver le bon équilibre

Évidemment, il ne s’agit pas de bannir les activités. Elles sont précieuses, enrichissantes, formatrices mais elles ne doivent pas écraser tout le reste.


Un bon équilibre, c’est un agenda où l’on retrouve :

  • des activités qui stimulent,

  • des moments en famille,

  • des soirées de repos,

  • et des espaces de vide.


Cet équilibre n’est pas le même pour chaque enfant. Certains ont besoin de plus de stimulation, d’autres de plus de calme. L’essentiel est de rester attentif : fatigue chronique, perte d’envie, irritabilité sont des signaux qu’il est temps de désaturer.


Offrir le droit de rêver


En définitive, l’ennui n’est pas une menace, c’est un cadeau. C’est un espace où l’enfant apprend à se connaître, à inventer, à réguler ses émotions, à rêver.


Dans une société qui valorise le “toujours plus”, offrir à son enfant le droit de s’ennuyer est un acte presque révolutionnaire.


C’est lui dire : « Tu n’as pas besoin de remplir chaque minute pour être précieux. Tu peux juste être. »


Alors, la prochaine fois que vous entendrez : « Je m’ennuie », ne courez pas chercher une solution.


Laissez ce moment exister car c’est dans ces silences, ces vides, que vos enfants trouvent souvent le plus beau : la liberté de devenir eux-mêmes.


Nadine Jacobs

J'accompagne vos enfants à (re)devenir les héros de leur propre changement



 
 
 

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© 2020-2024 par Nadine Jacobs

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